Coureurs du Dimanche matin devenus MARATHONIEN...

Coureurs du Dimanche matin devenus MARATHONIEN...

2009 MARATHON DU BEAUJOLAIS

LE  MARATHON  DU  BEAUJOLAIS  NOUVEAU

 

21    NOVEMBRE  2009

 

Dans l'hexagone, plus de cent villes et associations sportives organisent et mettent en œuvre chaque année un marathon. Le choix s'avère parfois difficile pour les coureurs de fond ! Le Beaujolais, belle région viticole proche de la Bresse, fut retenu pour cette année 2009. La 9ème édition était inscrite sur le calendrier national le samedi 21 novembre, date correspondant aux festivités liées à la sortie du Beaujolais nouveau, véritable institution dans cette région.

La vigne et tout le travail dérivé imprègnent profondément la vie locale. Pour situer l'importance de cette activité économique, il faut rappeler que l'ensemble des parcelles du vignoble de cette région couvre plus de 20 000 ha, insérés entre la Saône à l'est, les contreforts du Massif Central à l'ouest, le Mâconnais au nord et les Monts du Lyonnais au sud.

Bref, en cet automne exceptionnellement beau, rendez-vous fut pris tôt samedi matin à Villefranche-sur-Saône pour le traditionnel retrait des dossards dans un cadre tout aussi extraordinaire, puisqu'il s'effectue sous la coupole de l'ancienne chapelle de l'Hôtel-Dieu, édifiée au cours du XVIIème siècle et sise en plein centre-ville. Dès 7 heures, organisateurs et bénévoles sillonnent les rues adjacentes pour se diriger vers ce lieu proche de l'Hôtel-de-Ville où les spécialistes s'affèrent à mettre en place barrières, tapis, portiques, sono… L'attente dans la file est raisonnable ; le dossard nous est remis avec un T-shirt « commémoratif : Marathon du Beaujolais 2009». La presse rapportait la veille que 4000 coureurs étaient inscrits sur les deux courses : marathon et 12 km, chiffres records dont se félicitaient les organisateurs ! Vers 8 heures, les cars chargés d'assurer les navettes entre le village de Fleurie, lieu du départ, et Villefranche (lieu de l'arrivée) commencent à s'aligner devant l'imposant bâtiment communal. Sans aucune bousculade et dans une ambiance bon enfant, les premiers coureurs montent et remplissent lentement les cars mis à la disposition de l'événement. Ainsi constituée de trois bus, la première navette quitte le centre ville et « prend » la RN 6 en direction de Romanèche-Thorins. À la sortie de cette bourgade, la petite caravane d'autocars bifurque à droite sur une étroite route départementale sillonnant les vignes nous conduisant à la halle sportive de Fleurie. Les brumes matinales se sont évaporées ; dans un ciel sans nuage le soleil éclaire maintenant les coteaux couverts de vignobles dénudés de leurs fruits et de leurs feuilles. La fanfare locale est chargée de l'accueil des coureurs à la descente des cars sur un grand parking proche du complexe sportif.

Rien n'a été oublié puisque sur les tables à coté du café, « trônent » une dizaine de bouteilles de vin déclamant les différents crus du Beaujolais, ainsi que des assiettes remplies de tranches de saucissons et de morceaux de fromage de chèvre. Reconnaissons tout de même qu'il s'agit là d'une organisation sportive qui sort de l'ordinaire !

     Lentement, chargé de son sac, chacun rejoint la halle aux sports, immense bâtiment vitré servant aussi de salle polyvalente aux associations locales. L'animation y est à son comble, entre chants, casses croûte échangés ou distribués, odeurs de pommades chauffantes, derniers repos pour certains (allongés à même le sol avant l'effort) et grimage pour les adeptes du déguisement, fidèle à l'esprit qu'avait institué le marathon du Médoc quelques années en arrière. On peut ainsi rencontrer ce matin de novembre : une délégation de moines Ch'tis, une mariée, des pirates, des clowns, des pêcheurs, des pompiers et bien d'autres personnages combien attachants que photographes, amateurs et professionnels essaient d'ailleurs « de mettre en boite » ! Une succession de petites taches habituelles comme, la mise en place du dossard, la rencontre de copains coureurs d'autres régions, la dépose des sacs qui repartiront sur le lieu d'arrivée rapproche l'heure de départ. Dehors, des « grappes de coureurs » arpentent les divers sentiers et chemins qui les emmènent vers le centre village, lieu du départ où sur le podium animateurs, organisateurs et officiels se relaient, rappelant à maintes reprises les règles de sécurité, et remercient les nombreux sponsors. Le grand portique gonflable au-dessus de la ligne de départ, dressé devant l'office du tourisme, porte les couleurs et la marque du principal journal local : « Le Progrès ». Pour la petite histoire, c'est l'un des plus anciens organes de presse de notre pays. Il vient juste de fêter ses 150 ans !

Du sommet de l'une des collines qui surplombent notre lieu de départ, solidement installée sur la crête du pignon d'une belle chapelle, la madone de Fleurie nous contemple et semble veiller stoïquement sur l'évènement !

Peut-être aussi pour faire un petit clin d'œil aux grands marathons de ce monde (New-York, Berlin, Londres, Paris…) un hélicoptère survole le village, particulièrement coloré et animé. Un dernier appel au regroupement est lancé à tous les coureurs qui s'échauffent en parcourant les rues autour de l'église et de sa place. Après les prestations des pumpums-girls, la marraine de la course : Annette Sergent (qui détient entre autre 21 titres de championnats de France et 3 mondiaux) et M. le maire de Fleurie donnent le départ à 10h 30 précises. Le long ruban multicolore s'étire maintenant dans la rue commerçante entre deux haies de spectateurs très chaleureux. Il dévale ensuite la pente du village pour emprunter la petite route vigneronne, encaissée entre deux murets de pierres, en direction de Lancié. Le profil est toujours descendant, le flot des coureurs s'étire petit à petit, chacun prenant son rythme et sa foulée. L'organisation est rodée (8ème édition ) ; les petites flèches violettes peintes sur la route sont rapprochées, à chaque carrefour et croisée de routes, un ou plusieurs bénévoles indiquent la direction à suivre. La traversée du bourg de Lancié se fait sous les bravos des villageois. Après le 5ème km, une petite montée nous emmène au village de Corcelles ; pour les connaisseurs nous sommes maintenant dans la zone de production du cru Beaujolais. De chaque coté de la route s'étendent les rangs de vigne à perte de vue. L'aéroport de Villié-Belleville s'est d'ailleurs installé dans cette plaine qui s'étire jusqu'à la Saône. Après quelques kilomètres « de plat », il faut à nouveau monter la côte qui conduit au château de Pizay. Une surprise attend alors tous les marathoniens puisque après la traversée du magnifique parc il faut descendre un escalier abrupt desservant les chaix. Après quelques dizaines de mètres parcourus au milieu de centaines de tonneaux alignés, le ravitaillement du 10ème km nous est offert ; comme au départ de Fleurie, vins, saucissons et fromages de chèvre peuvent être dégustés, avec ou sans modération ! Avant de remonter une série de marches identiques à celles de la descente nous passons devant une chorale « distillant » un répertoire classique. Dehors, le soleil automnal est toujours aussi agréable, les habitants et les spectateurs se sont regroupés vers les carrefours des routes vicinales. Leurs encouragements sont toujours bien accueillis par les coureurs qui les remercient souvent d'un geste de la main. La traversée du petit affluent de la Saône, l'Ardière, est située au 15ème km. Les conversations entre coureurs se sont arrêtées, d'autant plus qu'il faut à nouveau « grimper » en direction du village de Cercié. Dans ce que l'on appelle en Bresse, le bourg, nous courons sur un chemin rectiligne et parfaitement plat. Les spécialistes reconnaissent toute de suite l'emprunte d'une ancienne voie ferrée. Elle nous conduit d'ailleurs devant le bâtiment de l'ancienne gare où sans discontinuer, une joyeuse « speakerine » annonce : « Cercié, Cercié… : Tous les voyageurs descendent pour rejoindre à pied Villefranche » !

À la sortie du village, un modeste panneau en bord de route, indique qu'une nouvelle fois nous avons changé de zone. En effet, le territoire de Cercié fait parti de la Côte de Brouilly, comme d'ailleurs celui de la commune suivante: Saint-Lager, que nous traversons avec les rythmes d'un groupe musical très dynamique. La matinée s'avance, d'ailleurs les aiguilles de la pendule de la mairie approchent les 12 heures. Lors de cette superbe matinée automnale, plusieurs viticulteurs ayant le privilège d'avoir leur caveau situé sur l'itinéraire du marathon n'ont pas hésité à installer de véritables stands de foire. On peut d'ailleurs y voir sous de grands abris de toile, plusieurs bancs entourant quelques fûts « debout » improvisant ainsi des bars temporaires. Ils permettent d'accueillir de sympathiques rassemblements de spectateurs, qui un verre à la main sont ravis de nous encourager ! Soulignons aussi que durant cette matinée, tout comme le début de l'après-midi, plusieurs groupes de musiciens dispersés tout au long du parcours ont contribué à l'ambiance festive de ce marathon, tout de même un peu hors du commun. Le ravitaillement du 20ème km est installé avant le village de Charentay, face à Montmerle de l'autre côté de la Saône. Descentes et montées se succèdent encore et encore entre les parcelles de vignes. Les lieux-dits s'égrainent les uns après les autres : Arigny, Sermezy, le Chêne… Tiens, la mariée aperçue au départ de Fleurie donne des signes de fatigue ! Il est vrai que sous sa robe blanche : « il doit faire chaud !». Bref, notre mariée est devenue marcheur sur cette partie du parcours qui commence vraiment à être montante en direction de Saint-Etienne-des-Ouillières commune du Cru de Brouilly. Néanmoins, quelques coureurs se sentent pousser des ailes dans cette deuxième partie de parcours. Je suis successivement doublé par un moine en robe de bure, un normand qui porte maillot décoré avec les étiquettes de fromages de sa région et un « forgeron » portant les couleurs de Gueugnon. Après la traversée de St-Etienne, le ravitaillement du 25ème km est quasi assiégé, la température commence à peser sur les organismes ; gobelets et bouteilles jonchent la périphérie des tables où l'on trouve aussi, sucres, fruits secs, portions d'oranges et tablettes de barres énergétiques. Au lieu-dit Buyon, on passe sur un vieux pont de pierre qui enjambe la Vauxonne, autre affluent de la Saône, descendant des hauteurs boisées sur notre droite. Nouvelle descente à Coichat, Le Party, Nuits ; le château de Laye se détache dans un ciel bleu sans nuage. On n'oublierait que nous sommes en novembre !

Le 30 km est situé à Arnas, lieu d'où doit démarrer la course des 12 km à 15 heures, certains coureurs sont déjà sur place, trottinant dans les rues du village, sans doute à la reconnaissance du parcours. Nous sommes arrivés maintenant en zone d'appellation Beaujolais-Village dont la superficie couvre 6000 ha, se situant juste après le secteur de production du Beaujolais (qui s'étend, lui, sur plus de 10 000 ha). Cette information œnologique est importante pour les lecteurs qui découvrent la région du Beaujolais en lisant ce compte-rendu ! Le circuit, maintenant commun aux deux courses, continu sa progression sur les chemins vicinaux, en traversant de sympathiques lieux-dits dont les habitants venus en bords de route sont toujours aussi chaleureux. Depuis le ravitaillement d'Arnas, la montée ne s'interrompt pas. Les Rues et Pouilly semblent être celles de hameaux de petites montagnes. D'ailleurs ce dernier lieu-dit est situé « au point culminant » des parcours : à 468 m. Peut-être pour ne pas trop décourager les coureurs, les organisateurs ont trouvé un itinéraire descendant jusqu'à la vallée du « Nizerand » (autre petit affluent de la Grande Rivière*). Ici, le paysage agricole n'est plus dominé par le vignoble, bien qu'il reste tout de même quelques parcelles enclavées ci et là. Nous traversons une zone d'élevage, où différentes races de bovins originaires de plusieurs régions éloignées, se côtoient dans les nombreux pâturages, clos par des haies vives. Notre circuit, une nouvelle fois descendant, est inclus entre les hauteurs des lieux-dits les Bruyères et Ouilly. Le soleil a disparu, laissant toutefois un temps agréable pour tous les coureurs de fond. Gleize, dernière commune traversée par ce marathon « dit du Beaujolais nouveau », approche. Le centre village se situe sur notre droite. Comme dans la plupart des autres communes, celui-ci a été implanté sur une hauteur. Nous ne le traversons pas, mais une dernière côte redoutable nous attend. Elle longe l'un des murs de pierre du château de Vauxrenard. Après 37 km de course, très peu de concurrents ont encore des ressources pour courir, ainsi la plupart d'entre eux la franchissent en marchant afin de garder un peu d'énergie pour les derniers km qui descendent alors jusqu'à l'arrivée. Le sommet de la côte de Vauxrenard offre un extraordinaire panorama sur Villefranche et la plaine de la Saône ; saluons au passage les musiciens qui se sont « juchés » sur la semi-remorque d'un camion certainement mis à disposition de l'organisation.

Autour de moi, il semble que l'allure de course se soit accélérée. D'éminents spécialistes ont d'ailleurs observé que l'approche du final d'un marathon déclenche chez de nombreux coureurs une euphorie modifiant complètement leur rythme. Bref, certains restent tout de même raisonnables ! Le secteur franchissant maintenant la zone industrielle est quasiment plan, il amorce une autre partie descendante lors de la traversée du parc sportif où l'on retrouve quelques spectateurs qui, il est vrai, étaient devenu rares ces derniers km. L'entrée dans la ville se fait par la rue du Général Leclerc, en partie neutralisée, puisqu'une haie de barrières sépare les coureurs du flux de circulation automobile. Au cœur de la ville, nous avons une nouvelle fois le privilège de parcourir un autre beau parc dont le nom est assez évocateur : celui de La Belle Province. Dès la sortie de ce parc, la rue Léon Gambetta toute aussi rectiligne que plupart des rues de la ville, nous conduit vers l'arrivée devant le bâtiment de l'Hotel-de-Ville. On entend d'ailleurs, diffusée par la sono de plus en plus audible, la voix du speaker commentant le passage de la ligne d'arrivée. Une autre surprise attend alors tous les participants ; en effet, le passage dans des allées d'un marché couvert « sort de l'ordinaire ». D'autant plus que musique techno et spots clignotants saluent la sortie de chaque coureur. La descente des marches de ce bâtiment typique arts déco, relance l'allure. Ainsi, chacun peut faire selon ses propres ressources le tour de l'Hôtel-de-Ville et parcourir les dernières dizaines de mètres sur un tapis rouge à l'image de tous les grands marathons pour alors passer sous le portique gonflable marquant l'arrivée.

Chaque arrivant reçoit de la part de charmantes hôtesses : une bouteille de Beaujolais nouveau, un taste-vin (marqué : Marathon du Beaujolais 2009) et sort de la zone d'arrivée avec une couverture « dite de survie » sur les épaules.

C'est la fin d'une dure épreuve, l'édition 2009 s'est déroulée sous un climat particulièrement extraordinaire. Chaque coureur a pu découvrir cette belle région, apprécié l'accueil de toute sa population ainsi que le dévouement de tous les bénévoles. À souligner qu'ils étaient plus de 600 mobilisés durant la journée du dimanche, mais aussi pendant les jours qui ont précédé cet évènement. Quant au narrateur de ce texte, seul porteur des couleurs de Bresse-marathon, il a terminé son 42ème marathon, sans trop de peine, à la 551ème place sur 1496 arrivants.

 

                                                                                    Jean-Luc Chanussot

 

                                                                                Novembre/décembre 2009  

 

* Grande rivière : c'est ainsi que les bressans désigne souvent la Saône;



13/12/2009
0 Poster un commentaire